Les réfugiés combattent les mythes sur les menstruations !
Cet article a été publié dans New Vision, le principal journal ougandais
Margaret Dipio, 43 ans, a quitté le Sud-Soudan en 2014 et a été placée dans le camp de réfugiés de Boroli dans le district d'Adjumani, au nord de l'Ouganda. Vivant parmi une multitude de personnes de cultures différentes, Dipio a rapidement identifié plusieurs croyances ethniques relatives aux menstruations. L'une d'entre elles stipule que le cycle menstruel est une anomalie biologique et par conséquent, la jeune fille se retrouve isolée pendant cette période. Elle ne devrait pas toucher un ustensile, et encore moins saluer quelqu'un.
En somme, elle est considérée comme sale et le pire de tout, c'est que si ses règles sont douloureuses, elles seront associées à une malédiction ancestrale. Au camp de Boroli, certaines cultures estiment qu'une fille en période de règles doit avoir une fosse correspondant à la taille de son fessier, sur laquelle elle est supposée s'asseoir pendant des jours sans se baigner jusqu'à la fin de son cycle mensuel.
Ces croyances montrent que personne n'est supposé entrer en contact avec du sang frais menstruel, sous peine que la jeune fille devienne stérile plus tard. C'est pourquoi des directives strictes sont établies pour éviter cela. Les mythes traditionnels ancestraux sur les menstruations sont tellement répandus que Dipio et quelques autres personnes sont prêtes à s'y opposer en dépit de la vive hostilité de la partie conservatrice de sa communauté.
Avec peu d'espoir de succès, Dipio et d'autres ont commencé à parler aux leaders influents et religieux de la nécessité de corriger cette chaîne d'idées fausses concernant les menstruations. Le groupe a visité des écoles et des églises pour parler de l'hygiène menstruelle et souligner la nécessité pour les communautés d'abandonner les traditions qui bloquent les femmes dans le camp de réfugiés de Boroli et dans le monde entier.
« Certaines femmes craignent de parler à leurs maris au sujet de l'achat de serviettes hygiéniques pour leurs filles », a déclaré Mme Dipio.

[Dipio est formatrice pour FARM STEW Ouganda, une organisation non gouvernementale nationale dont la mission est d'améliorer la santé et le bien-être des familles pauvres et des personnes vulnérables.]
« Lorsque nous nous réunissons pour cultiver des légumes, nous parlons aussi de la situation critique des femmes dans notre communauté », a déclaré M. Dipio. Ils visitent les écoles primaires de la région, recherchant principalement les filles de cinq à sept ans, pour leur parler de l'hygiène menstruelle.
Dipio propose également une formation aux filles sur la bonne façon d'utiliser les serviettes hygiéniques . Elle dit que leurs messages pénètrent petit à petit les failles des barrières culturelles dans la communauté . « Beaucoup abandonnent progressivement les mauvaises habitudes », dit-elle .
La pauvreté des ménages dans les camps de réfugiés entrave cependant leur lutte contre les mythes relatifs au cycle menstruel.
Mme Dipio déclare : « Certaines familles n’ont pas les moyens d’acheter des serviettes hygiéniques pour leurs filles . »
A l'école primaire de Boroli, la professeur principale, Harriet Walea, a déclaré que les filles, surtout celles du camp de réfugiés, ont tendance à manquer les cours lorsqu'elles n'ont plus de serviettes hygiéniques fournies par les organisations. Tous les parents n'ont pas les moyens d'acheter des serviettes hygiéniques, donc ils "évitent de toute évidence les cours pendant leur période de menstruation", a déclaré Walea.
Boroli a inscrit plus de497 filles au début de 2019, Walea dit que le nombre a diminué au cours du deuxième trimestre. Chaque jour, près de la moitié des filles manquent les cours, et celles qui le font dans les classes supérieures : « Nous pensons que ces absences sont dues à leurs menstruations », a déclaré Mme Walea.
AFRIpads, une entreprise qui fabrique des serviettes hygiéniques réutilisables, a donné 200 [paquets] de serviettes hygiéniques à FARM STEW pour les distribuer à l'école primaire de Boroli dans le cadre d'une campagne baptisée « mes règles, ma voix ».